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Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas Lacoste
Rassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.

Edito du Passant n°47 - Combien de mondes ?

[octobre 2003 - décembre 2003]

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Après un printemps de luttes, le gouvernement attendait de l’été un peu de répit. Au lieu de cela, il écope l’obstination des intermittents et l’énorme rassemblement du Larzac. Et malgré son « humanisme du quotidien », le Premier ministre n’a pu empêcher que s’étalent sous tous les yeux les effets mortifères des réductions budgétaires, cette passivité délibérée face à la mort en série qui nous choque tant lorsqu’elle touche notre monde, et qui nous semble si naturelle lorsqu’elle concerne les mondes plus lointains où l’on crève de malnutrition, de la famine, du paludisme, de la tuberculose, du sida, de la malaria. Eh voilà ! La globalisation qui devait tirer tous les peuples vers le haut prend la forme d’un naufrage mondialisé. Un naufrage auquel nous sommes nombreux à ne pas nous résigner. Des milliers de paysans mexicains producteurs de maïs ont marché sur Cancún pour s’opposer à l’OMC et au traité de libre-échange de l’ALENA. Bientôt, au Forum social européen de Paris St-Denis en novembre et au Forum social mondial à Bombay au début 2004, tous les mouvements en lutte contre la mondialisation capitaliste libérale débattront pour renforcer leur résistance et construire l’avenir… Se glisser dans les interstices que ne peut combler le rouleau compresseur de l’argent, se servir de la multitude des mondes intimes, sociaux et culturels, de la pluralité des mondes qui font la vie ordinaire, non pour conserver ou recréer un passé mis en danger par le présent, mais pour construire collectivement des dissidences. Voilà ce à quoi le Passant Ordinaire voudrait contribuer en posant la question Combien de mondes ? Car s’il s’agit de lutter pour une autre mondialisation, il n’est pas inutile de préciser ce que l’on entend par là, et ce que l’on peut opposer à l’actuelle mondialisation. Celle-ci s’explique-t-elle par une simple dérégulation des marchés, auquel cas il suffirait de quelques nouvelles régulations techniques pour corriger ses excès ? Ou dépend-elle de tendances plus profondes du capitalisme auxquelles seules des transformations sociales radicales pourraient répondre ? Cette mondialisation doit-elle être considérée comme une unification de fait de l’ensemble des mondes sous la logique de la marchandise et sous un modèle culturel hégémonique, ou consiste-t-elle au contraire en une dynamique contradictoire où toujours l’extension de la domination fait ressurgir le conflit ? Questions parmi d’autres qu’il faut bien poser si l’on veut lutter contre l’injustice globalisée et parvenir malgré tout à habiter ce monde. Car habiter un monde n’implique pas seulement un ensemble d’opérations, d’outils, de marchandises, d’intérêts privés qui viendraient remplir la vacuité des existences. Il faut plus pour habiter un monde : instituer un rapport à l’autre, créer des parcours qui suscitent une préoccupation de la nature, de l’avenir et de la société. Poser la question Combien de mondes ?, c’est aussi se faire chercheur de portes, de fenêtres, non seulement pour créer un goût des ailleurs qui peut prendre la forme d’errances, d’aventures qui sont autant d’inversions, ou de postes frontières à partir desquels un nouveau regard sur notre monde est possible, mais plus fondamentalement pour faire retour sur notre propre terre. Va voir ailleurs si j’y suis, afin qu’en rêvant à d’autres mondes, ce monde puisse contenir tous ces rêves et porter ainsi la prise de conscience que la critique sociale appelle de ses vœux. Va voir ailleurs si j’y suis… Et après tout comment savoir qu’on n’y est pas tant qu’on n’y va pas ?

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